samedi 15 janvier 2011

LA CONSÉCRATION DU MONDE AU COEUR IMMACULÉ DE MARIE

Lettre à son Directeur spirituel, le Père Mariano Pinjo, sj

Balasar, le 1er août 1935

Vive Jésus !

Mon bon Père

Mon état de santé est si grave que j’ai même du mal à parler. Malgré cela, je ne peux pas laisser passer ce jour sans vous envoyer un petit mot, autant que le bon Jésus voudra bien m’accorder le souffle de vie pour le faire.

Aucun jour ne s’est écoulé sans que je reçoive mon bien-aimé Jésus dans ma pauvre âme. Combien Il est bon pour moi ! Il m’a accordé cette grande grâce alors que je ne la méritais pas : si seulement je savais le satisfaire ! Pauvre de moi, je ne le sais point !

Je ne l’aime pas autant que je le désirerais, ni non plus autant que Notre-Seigneur est digne d’être aimé. J’ai l’impression que tout va se ter-miner ; je ne prie que très peu ! Je n’ai point de force pour le faire. Je me suis confessée au-jourd’hui : je suis restée si frustrée ! J’espère que Notre-Seigneur, par son infinie miséricorde, ne m’abandonnera pas. S’Il est avec moi, je peux tout vaincre, sans difficulté ; ce que je veux c'est beaucoup souffrir, beaucoup, pour mon bien-aimé Jésus : j’aimerais tant qu’Il ne soit plus offensé ! Mais, quel horreur ! Comment est-il possible qu’on l’offense si gravement ? Combien j’ai de chagrin pour mon bien-aimé Jésus !

Le trente, après la Sainte communion, je me sentais très bien avec Notre-Seigneur : je me sentais dans une très grande union avec Lui. Quelques instants après, j’ai entendu qu’Il m’appelait :

― Ma fille, ô ma fille bien-aimée, à quelle hauteur je t’ai élevée, toi l’épouse du Roi sacramen-tel !

Continue, ma fille bien-aimée, ta courte mission : tant que tu vis, prie-Moi pour les aveugles, pour les pauvres pécheurs. Tu en as encore beaucoup à faire venir sur tes chemins. Je suis le chemin, la vérité et la vie, conduis-les-Moi afin que Je sois aimé. Ne Me laisse pas seul un unique moment dans mes tabernacles. Je suis là dans l’attente d’âmes qui M’aiment autant que toi, mais Je n’en vois pas. Je suis si méprisé ! Mais ce n’est pas tout : on m’offense beaucoup ! Aie de la peine pour ton Jésus, mon ange, mon amour ! Guéri par ta réparation cette lèpre si contagieuse.

Dis à ton Père spirituel que, comme preuve de l’amour que tu as envers ma Très-Sainte Mère, je veux que tous les ans soit célébré un acte de consécration du monde entier, lors de l’un des jours de ses fêtes, choisi par toi : Assomption, Purification ou Annonciation, demandant à la Vierge sans tache de péché qu’Elle rende hon-teux et confonde les impurs, afin qu’ils rebroussent chemin et ne M’offensent plus. Comme jadis j’ai demandé à sainte Marguerite-Marie que le monde soit consacré à mon divin Cœur, de la même manière je te demande à toi que le monde soit à Elle consacré, par une fête solennelle.

J’ai senti les caresses de Notre-Seigneur, comme je l’ai déjà explique à Votre Excellence, et Notre-Seigneur me disait encore :

― Ne perds pas de temps pour mettre en œuvre ta mission. Dis-lui tout et lui, il te donnera des ordres.

Aujourd’hui même j’ai reçu la nouvelle de la visite de ma petite sœur de Sertã : combien cela m’a procuré de joie !

Recevez les bons souvenirs de ma mère et de Deolinda. Je vous le dis et vous demande de ne pas m’oublier dans vos prières auprès de Notre-Seigneur ; quant à moi, j’en fais de même.

Bénissez, par charité, la pauvre,

Alexandrina Maria da Costa.

mercredi 12 janvier 2011

SENTIMENTS DE L’ÂME

Premier vendredi du mois.

Je me sens les bras ouverts et je crie, demandant le secours de la terre et du Ciel, sans l’obtenir ni de l’une ni de l’autre. J’ai besoin, vraiment besoin d’un bâton pour me soutenir. La tempête ne cesse pas. De tous côtés me vient la dé-faite et moi toujours à plat ventre et plongée dans la boue, je ne peux pas me lever. Si les pierres pouvaient parler, combien auraient-elles à raconter. Mon ignorance ne m’abandonne pas, mes forces ne me permettent pas, mon inutili-té prend tout pour elle. Et moi, je reste sur mon calvaire, sur mon épouvanta-ble calvaire, sans rien posséder, sans rien avoir à moi, même pas un mot tendre pour mon Jésus. Mon corps est transpercé de haut en bas. Il ne s’y trouvent que des flèches, des lances, des poignards et des épines et mon âme ne cesse, elle ne cesse d’agoniser avec lui. Je demande du courage au Ciel pour mon nouveau calvaire, pour mes examens. Mais je ne l’obtiens pas. L’heure n’est pas encore venue. Je ne peux compter que sur ceux auxquels je me suis abandon-née complètement, c’est-à-dire Jésus et la Petite Maman. Si toute l’acceptation de ma croix n’est que pour Eux et pour les âmes, comment pourrais-je être abandonnée par Eux ? Pauvre de moi si la confiance me manque ! Mon âme loue le Seigneur, elle Lui adresse des hymnes de louanges, mêmes quand elle est exsangue, prisonnière, plongée dans la boue la plus compacte. Plongée dans le silence, dans la plus grande agonie, elle s’offre au Seigneur et répète : Oh ! que votre Volonté soit faite ! Quand je pleure dans ma détresse, ce sont des larmes résignées et je les envoie vers les tabernacles. L’inutilité me vole tout, mais malgré cela je ne manque pas de les envoyer vers ces mêmes taber-nacles comme des actes d’amour.

Le Gethsémani d’hier, mon calvaire d’aujourd’hui, ce sont les mêmes souffran-ces, la même préparation pour mon emprisonnement, pour mon exil. Hier, j’ai ressenti l’épouvante de toutes les choses, de toute l’agonie de Gethsémani. J’y étais sans vie, indifférente à tout.

Aujourd’hui j’ai pris le chemin du calvaire. J’ai dis que j’ai pris, mais ce n’était pas moi. Pour ma part, seule ma souffrance l’a pris, ce chemin. Il y avait une vie séparée de la mienne qui était hors de moi et hors du monde, une vie qui était celle du calvaire mais qui ne pouvait plus être immolée. Elle continuait d’être vie, mais sans pouvoir la donner. J’aimerais pouvoir mieux m’expliquer, mais je ne sais pas. C’était la vie, mais elle n’était pas en moi. Cette vie se communiquait au calvaire, mais elle ne pouvait plus se souiller de la terre cou-pable. Ma douleur a vécu tout cela, mais pas moi, car je me sens ne pas avoir de vie. J’ai l’impression que mon corps est disparu du monde, laissant la souf-france occuper sa place, la souffrance, rien que la souffrance. Dans le plus grand abandon et sous le poids des plus grandes humiliations, je suis restée là comme si vraiment j’étais morte. Jésus, la vraie vie, est entré dans mon cœur. Son entrée me fit ressusciter et je l’ai entendu me dire :

― Me voici, me voici, ma fille, en ton cœur. Me voici, me voici, me voici, mon épouse, dans mon palais permanent. Je viens mendier de l’amour par ta croix, par ton calvaire. Comme je m’y sens bien ! Comme je m’y sens bien ! Je suis le mendiant, le mendiant de la souffrance, le mendiant de l’amour. Ma demeure, ma demeure, demeure bénie ici sur la terre. Je mendie de la souffrance sur cette croix, sur ce calvaire. Je mendie de l’amour en ce cœur de mes délices. Ma fille, ma fille, mère, mère des pécheurs, à la manière de ma mère bénie. Ma fille, ma fille, phare et guide, phare de lumière, phare qui attire. Les âmes, les âmes ont besoin de toi. Le monde, le monde compte sur toi. Tu as été créée pour le monde, sans être du monde. Tu as été créée pour les âmes. Celle-ci est la grande vérité de Jésus. Ce fut la mission qu’il choisit pour toi. Tu es calom-niée, tu es poursuivie. Laisse, ma fille, laisse-toi ressembler à moi. Tu es une copie fidèle. Ta vie est la plus grande preuve des merveilles du Seigneur. Cou-rage, courage ! Ne crains rien, ma fille ! Le Ciel, tout le Ciel sera avec toi, sera avec vous. Courage ! Courage ! Le soleil, le soleil va briller, briller, briller sans le moindre obstacle.

― Ô Jésus, je ne me cherche pas, je ne cherche pas pour moi. Je cherche votre gloire. Je ne vois que Vous, je ne vois que les âmes. Lors de mes moments d’effondrement, quand je me rends compte que je suis incapable de résister à la moindre chose, il ne me reste que la confiance, la confiance, sans le senti-ment d’en avoir, Jésus. Je crois, je crois, mon Amour. Je n’ai vécut que de Vous et pour Vous. Je n’ai toujours confié qu’en vous. Jamais, jamais je n’ai confié en moi. Par votre grâce, jamais, jamais, jamais je ne me suis attribuée le moin-dre mérite. Mon néant, ma très grande misère, mon inutilité me sont toujours, toujours présentes.

― Ma fille, pupille de mes yeux, petite fleur eucharistique, je t’orne de mon di-vin Cœur, en avant, en avant, pour Dieu et pour les âmes. Demande de l’amour, demandeur de l’amour envers mon divin Cœur. Ne laisse pas que les âmes se perdent. Invite-les à venir à Moi. Ta souffrance leur parle au cœur; ton sourire, ton silence, ton silence leur parle, leur parle toujours. Courage, cou-rage ! Tout cela est comme une révolution dans les âmes. Courage, courage ! Tout cela ce sont des preuves de mon divin Amour pour elles. Viens à leur se-cours, ne les laisse pas se perdre, ne les laisse pas tomber en enfer.

C’est cela que je veux, mon Jésus. Ah ! si je pouvais mettre un cadenas sur la porte de l’enfer afin qu’elle ne puisse plus s’ouvrir ! Je ne veux pas, non, mon Jésus, qu’une seule âme se perde. Je ne veux pas, non, mon Amour, voir votre divin Cœur blessé. J’ai faim, très faim, mon Jésus, de vous donner des âmes et vous procurer toute consolation. Je ne vis que pour vous, car je vous aime, Jé-sus, je n’ai pas d’autre but dans ma vie sinon vous aimer et vous donner des âmes. Je n’ai rien d’autre, je ne fais rien d’autre, non, non, mon Amour.

― Ta vie n’est pas de la terre, mais bien du Ciel. Viens recevoir la goute de mon divin Sang. L’artiste divin la faite passer. Ta vie est passé [avec la goute], la viens que tu vis, la vie que je te donne. Une nouvelle goute du très précieux Sang de Jésus coule dans tes vaines. Prodige, prodige ! Oh ! prodige merveil-leux ! Demande toujours, demande toujours : une nouvelle vie, une vie pure, une vie sainte ! Demande de la prière, demande que l’on fasse pénitence. Dis, ma fille, que c’est Jésus qui le demande par tes lèvres. Courage, courage ! Reste sur ta croix. Ton Jésus, ton Époux inséparable est ta force. Aie confiance, confie!

― Merci, mon Jésus. Merci, mon plus grand Bien. N’oubliez pas mes deman-des. Vous savez par où je les commence, finissant par demander pour toute l’humanité. Merci, merci, mon Jésus. Merci pour l’amour que vous me don-nez !

(Bse Alexandrina Maria da Costa : Sentiments de l’âme du 3 juillet 1953)