dimanche 28 septembre 2008

AUTOBIOGRAPHIE - II


Le catéchisme.

Lorsque, âgée de cinq ans, j’ai commencé à fréquenter le catéchisme, un grand défaut est apparu : mon entêtement. Un jour je suis allée au catéchisme et le coadjuteur de monsieur l’Abbé, le Père António Matias m’a assigné une place parmi les enfants de mon âge, mais moi, je voulais aller parmi les plus grands, avec lesquels j’avais l’habitude de jouer. Malgré l’insistance et les promesses du Révérend, je n’ai pas cédé. Quelques jours plus tard, le Père finit par me convaincre et est devenu mon ami ; il m’abritait même de la pluie, de chez moi à l’église et de l’église à chez moi. Mais ce qui est certain c’est que j’était très têtue.

À l’église, je restais volontiers à regarder les statues. Elles m’attiraient; tout particulièrement celles de Notre-Dame du Rosaire et de saint Joseph. Leur habillement somptueux éveillait en moi le désir d’être élégante comme eux, pour paraître bien. N’était-ce pas là une preuve de ma vanité ? Je voulais avoir, moi aussi, d’aussi beaux habits, pour paraître belle.
En même temps que ces défauts, j’exprimais, vers ce même âge, mon amour envers la Maman du ciel: je chantais avec enthousiasme ses louanges et j’apportais des fleurs aux dames qui avaient la charge de fleurir son autel.

J’étais tellement vive, qu’on m’appelait « Marie-garçon ». Je dominais non seulement les filles de mon âge, mais aussi les plus âgées. Je grimpais aux arbres et je marchais de préférence sur les murs que sur la route.
J’aimais bien travailler: je faisais le ménage, je ramassais le bois et je faisais d’autres travaux domestiques ; j’aimais bien que le travail soit bien fait et j’aimais aussi être habillée proprement.
Un jour, alors que j’étais dans un pâturage, avec ma sœur Deolinda et une cousine, un âne s’est sauvé dans un champ cultivé. J’ai couru le chercher, mais, avec un coup de tête, il m’a jetée par terre, et avec sa pâte il a commencé à me gratter la poitrine, comme s’il voulait jouer. Il a répété son jeu plusieurs fois, mais ne m’a fait aucun mal.
Mes compagnes se sont mises à crier : très vite plusieurs personnes sont accourues et sont restées étonnées de me voir saine et sauve.
Quand je rencontrais certaines de mes cousines qui habitaient loin de là, je chantais avec elles, sur les chemins, l’Avé Maria. J’aimais aussi chanter des chants populaires et, je me souviens encore du premier que j’ai chanté et qui disait ceci :


O Marie, donne-moi du feu
Car je le vois d’ici briller
Laisse échapper ton amour
Je l’ai vu en toi rentrer.


Une autre fois, avec ma sœur Deolinda, nous sommes allée rendre visite à ma marraine. Pour arriver plus vite, nous avons décidé de traverser la rivière Este, en sautant sur les pierres qu’y avaient été mises à cet effet. Mais la force du courent était telle, que les pierres ont roulé sous nos pieds. Tombées à l’eau, nous ne nous sommes sauvées que par miracle.
J’aimais beaucoup visiter ma marraine, parce que, à chaque fois, elle me donnait de l’argent. Peu après elle est décédée et ce fut là mon premier chagrin. Je la regrettais, mais je regrettais aussi le gâteau de Pâque et les habits qu’elle m’avait promis pour mes sept ans. Ma grand-mère la suppléa et chaque année m’offrait un gâteau à Paque.
Âgée de six ans, il m’arrivait de rester, la nuit, de longs moments, à voir tomber sur moi des milliers de pétales des fleurs multi couleurs : ont dirait une pluie fine. Ceci se répéta plusieurs fois. Je voyais tomber ces pétales, mais je ne comprenais pas ; peut-être étai-ce Jésus qui m’invitait à contempler ses grandeurs.

vendredi 26 septembre 2008

AUTOBIOGRAPHIE - I

Après quelques moments de prière, implorant le secours du ciel et la lumière de l’Esprit Saint, afin de pouvoir faire ce que mon directeur spirituel m’a ordonné, je commence à écrire ma vie, telle que Notre Seigneur me la rappellera, bien que cela soit pour moi bien pénible.
Je m’appelle Alexandrina Maria da Costa. Je suis née à Balasar — arrondissement de Póvoa de Varzim, district de Porto — le mercredi saint 30 mars 1904. J’ai été baptisée le samedi saint suivant, 2 avril. Mon oncle Joaquim da Costa et une dame prénommée Alexandrina, de Gondifelos, ont été mes parrain et marraine.
Je trouve en moi, depuis ma plus tendre enfance, tant de défauts, tant et tant de méchancetés qui, comme celles d’aujourd’hui, me font trembler. J’aurais bien aimé que, depuis le début, ma vie ait été pleine de beauté et d’amour envers Notre Seigneur.
Avant l’âge de trois ans, je ne me souviens de rien, si ce n’est que quelques bribes racontées par les miens. À l’âge de trois ans, j’ai eu la première “caresse” de Jésus.
Je devais rester tranquille auprès de ma mère qui se reposait, mais, bouillonnante comme j’étais, je ne voulais pas dormir, alors je me suis levée. Ensuite je me suis penchée vers un flacon de produit pour les cheveux, comme on utilisait alors: je voulais imiter les grands. À ce moment-là, ma mère s’est réveillée et m’ayant appelée angoissée, j’ai pris peur. Le flacon m’est tombé des mains et s’est fracassé par terre en mil morceaux; et moi, je suis tombée par-dessus, me blessant gravement au visage. Immédiatement transportée chez le médecin, celui-ci a déclaré ne rien pouvoir faire pour moi. Ma mère m’a conduite alors à Viatodos, chez un pharmacien fameux qui m’a posé trois points de suture. J’ai beaucoup souffert: si seulement j’avais su à ce moment-là profiter de la douleur ! Mais non ! Au contraire, j’ai même été méchante envers le pharmacien, refusant les biscuits trempés dans le vin qu’il m’offrait pour me calmer. Voila mon premier acte de méchanceté.
Vers quatre ans, j’aimais m’attarder à contempler la voûte du ciel. Plus d’une fois j’ai demandé aux miens s’il n’était pas possible, en empilant les maisons et les auberges, les unes sur les autres d’arriver au ciel. À leur réponse négative, j’éprouvais une grande tristesse et une grande nostalgie. Je ne sais pas ce qui m’attirait là-haut.
À cette même époque, l’une de mes tantes qui est décédée par suite d’un cancer, habitait avec nous. Déjà malade, elle me demandait de surveiller son enfant, premier fruit de son mariage. Volontiers, je lui rendais ce service, de jour comme de nuit.
Déjà à cet âge j’aimais beaucoup la prière, car je me rappelle que ma tante me demandait de prier avec elle pour obtenir de Dieu sa guérison.

jeudi 25 septembre 2008

JOURNAL - 20-02-1942

Bienheureuse Alexandrina
20 février 1942

Jésus, je viens à votre rencontre. Où êtes-Vous? Ne pourrai-je pas vous trouver? Entendez au moins mes plaintes. Si Vous me manquez, je n’ai plus personne. Ne m’avez-Vous pas vue ce matin clouée en croix avec Vous, dans une grande agonie, les yeux levés vers le ciel, que j’ai senti et j’ai vu disparaître sans le moindre espoir de le revoir et encore moins d’y entrer ? Quelle grande tristesse que la mienne de voir que tout est perdu et sans le moindre remède !
Une fois descendue de la croix, j’ai commencé à monter vers le calvaire. J’étais si faible, si anéantie ! Je marchais péniblement, le visage presque contre terre ; je tombais ici et là, me blessant douloureusement : mon corps baignait dans le sang. Combien grande était ma peur de savoir que dans un instant j’allais être crucifiée et que je n’avais aucun soutien sur la terre ! Heureusement j’avais l’aide de votre divin amour : Vous êtes venu à ma rencontre.
― “Ma fille, l’aide humaine te manque ; aie courage, car l’aide divine ne te manquera jamais.
Le calvaire est le chemin de mes élus ; le calvaire est le chemin de mes épouses ; le calvaire est le chemin de mes crucifiées. C’est par le calvaire que j’accorde le pardon aux pécheurs ; c’est par le calvaire que je remplis les cœurs d’amour.
Courage ! Aie courage, ma petite folle ! Ton Jésus, ta Mãezinha et ton Père spirituel t’accompagnent, t’aident, dans une intime union!”
― Merci, mon Jésus !
Animée par Vos douces paroles, je me suis rendue au Jardin des Oliviers. Je nous Vous y ai pas rencontré, mais votre divine force a vaincu en moi. Dès le débout j’ai ressenti l’audace avec laquelle les soldats se sont présentés à Gethsémani pour la capture. J’ai vu qu’à leur tête Judas, les lèvres pleines de venin. J’ai ressenti sur mon corps les coups de pied qu’un peu plus tard, alors que l’on me ramenait attachée avec des cordes, on me donnait. J’ai eu dans mon cœur Vos sentiments, lors que devant vos yeux vous voyiez tous les péchez et crimes du monde. Si seulement, par ces souffrances, toutes les âmes auraient pu être sauvées ! Mais, ô malheur, combien se perdront encore ne profitant pas de ma souffrance ! Ô Jésus, j’ai senti mon corps recouvert de sang et mes vêtements collés à lui et à la terre. Mais plus encore, beaucoup plus encore a souffert votre corps délicat et divin !
Lors de la flagellation et du couronnement d’épines vous avez toujours veillé sur moi. A l’abri et soutenue par un amour aussi si saint et pur, j’ai senti que mon âme s’enivrait de suavité et de paix et ce fut dans cet état que je me suis un peu reposée.
La Mãezinha est venue ensuite : Elle m’a prise dans ses bras, m’a caressée tendrement. Malgré cela j’ai dû faire appel à Vous et à Elle. En effet, apeurée par la tristesse et par l’abandon, je défaillais continuellement : je n’avais pas la force nécessaire pour poursuivre mon chemin. C’était en vain que j’appelais le ciel. L’abandon était total : il fallait que je sois seule pour agoniser en croix. Pendant cette douloureuse agonie une lance est venue se planter dans mon cœur ; il fallait que j’expérimente toute cette douleur avant d’expirer. Pauvre de moi, pauvre humanité qui ignore combien Vous avez souffert pour elle, ô Jésus !
La crucifixion terminée, j’ai apparemment continué de vivre seule et je me souvenait avec tristesse du départ de mon Père spirituel.
Une preuve de plus de votre amour infini, mon Jésus !
Vous avez permis alors que le Docteur [Azevedo] non seulement s’occupe de mon corps mais aussi d’amenuiser la profonde douleur qui habitait mon âme. Vous qui connaissez tout, Vous Vous êtes servi de lui afin de préparer mon cœur à recevoir cette dernière blessure.
Merci, mon Jésus ; je ne peux dire que cela : merci. Laissez-moi dire avec Vous : “Mon âme est triste à en mourir”. J’ai perdu la lumière, j’ai tout perdu.
Accorde-moi ta bénédiction et ton pardon, mon Amour[1].

[1] Alexandrina qui avait jusqu’ici employé le vouvoiement, termine son texte par le tutoiement : c’est l’épouse qui s’adresse à l’Époux.

mercredi 24 septembre 2008

DOCTEUR AZEVEDO

Le “bon samaritain” d'Alexandrina

Dans l’Autobiographie d’Alexandrina, nous trouvons un long passage où elle parle longuement de son médecin traitant, le docteur Manuel Augusto Dias de Azevedo.
Leur première rencontre eut lieu le 29 janvier 1941, d’une façon imprévue. En effet, accompagné d’un prêtre et de plusieurs autres personnes il rendit visite, ce jour-là à la “Petite malade de Balasar”.
Elle dit, en effet, que ce ne fut qu’un long moment après leur arrivée et de conversation “qu’elle apprit que parmi eux se trouvait un médecin”, ce qui la rendit un peu gênée, non point qu’elle “ait dit quelque mensonge au sujet de sa souffrance”, mais plutôt à cause de l’effet de surprise.
Cette visite n’est pas un fait du hasard, mais une grâce divine, car ce bon médecin que Jésus lui-même surnommera le “Bon Samaritain” deviendra non seulement le médecin traitant d’Alexandrina mais aussi et surtout son défenseur lors des crises les plus graves dans la vie de la Bienheureuse fille de Balasar.
A la fin de l’entretien il se pencha sur elle, et “commença à l’examiner minutieusement, mais avec beaucoup de prudence et de tendresse”, avoue la malade.
Non point pour satisfaire des désirs personnels ou s’acquérir davantage de renommée, mais pour la défense d’Alexandrina, le Dr. Azevedo va faire en sorte qu’elle soit examinée par un certain nombre de grands spécialistes portugais de renom international. Elle sera alors soumise à des examens délicats et difficiles, mais qui s’avèreront par la suite d’une importance capitale, surtout en ce qui concerne son jeûne et son anurie. Le certificat délivré par le Dr Gomes de Araujo, par exemple, fut déterminant dans le procès de béatification.
Le Dr. Augusto de Azevedo sera l’un des meilleurs témoins à avoir déposé lors du procès diocésain : son témoignage est un exemple de sobriété, en même temps que de dévotion non dissimulée. En effet, s’il est vrai qu’il a beaucoup donné, il a aussi beaucoup reçu d’Alexandrina ou par son intercession.

* * * * *

« Le 29 janvier 1941, j’ai reçu la visite d’un Prêtre connu, lequel était accompagné de plusieurs personnes de sa paroisse. Dès son arrivée, il me les a présentées, mais ce n’est qu’après un long moment de conversation que j’ai appris que parmi eux se trouvait un médecin. Sachant cela, je me suis sentie gênée, non pas que j’ai menti, en parlant de ma souffrance, mais tout simplement parce que je ne m’attendais pas à sa présence. Il est toutefois resté discret et souriant. Je ne sais pas ce que je ressentais pour lui au plus profond de moi. J’étais alors loin de penser qu’il deviendrait dans quelques instants mon médecin traitant.
Il a commencé à m’examiner minutieusement, mais avec beaucoup de prudence et de tendresse. Son examen terminé, il lui a paru judicieux d’inviter le Dr Abel Pacheco, jusqu’alors mon médecin traitant, afin de l’informer de son diagnostique. Cela m’a peinée, car j’en avais assez d’examens médicaux, mais j’ai cédé, ayant toujours en vue la volonté de Notre Seigneur et le bien des âmes.
Le premier mai de la même année j’ai été examinée par le docteur Pacheco. L’examen a duré peu de minutes, mais il a été la cause de grandes souffrances pour mon corps et pour mon âme : pour le corps parce que ses mains semblaient de fer ; pour l’âme parce que je ressentais déjà les humiliations et les résultats de cet examen. Malgré cela, j’étais encore loin d’en voir le bout ! J’ai été informée par le docteur Dias de Azevedo qu’il serait mieux que je retourne à Porto afin de consulter le docteur Gomes de Araujo, si telle était la volonté de Notre Seigneur
[1]. Il m’a suggéré de demander la lumière divine e, car il ne voulait en rien contrarier le Seigneur.
Pendant un mois j’ai prié pour savoir si c’était bien là la volonté de Dieu. Plus je demandais de la lumière et plus les ténèbres augmentaient et plus profonde devenait la souffrance de l’âme, car je ne savais pas quoi faire. Finalement, le Seigneur m’a dit que c’était sa divine volonté que je parte à Porto.
Mon état physique était assez grave. Ils craignaient de me sortir de mon lit pour un aussi grand voyage. Moi-même je craignais beaucoup : si, rien que le fait de me toucher était cause de grandes souffrances, comment pouvais-je aller aussi loin ?... Encouragée par les paroles de Notre Seigneur, j’avais confiance en lui et sous sa divine action, je me suis préparée pour partir à l’aube du 15 juillet 1941.
À quatre heures, j’avais déjà fait mes prières. Pour montrer que j’en étais contente, j’ai appelé ma sœur pour lui dire que “nous allions en ville” : rien que pour cacher ma douleur. Pendant que je lui disais cela, j’ai entendu la voiture qui arrivait chez nous.
Le docteur Dias de Azevedo et un monsieur de nos amis
[2] sont entrés dans ma chambre. Après une courte conversation, pendant que ma sœur s’habillait, nous nous sommes préparés pour partir. Nous avons pris la route à 4,30 heures, afin de ne pas alarmer la population ; il faisait encore nuit. En effet, nous sommes sortis du pays sans rencontrer personne.
Mon âme était encore ans dans un plus grand silence ! Plongée dans un abîme de tristesse, sans interrompre mon intime union avec Jésus, je voyageais Lui demandant toujours davantage de courage pour les examens qui m’attendaient et en offrant mon sacrifice afin d’avoir son divin Amour et pour les âmes. J’invoquais aussi la Maman du Ciel et les saints qui m’étaient les plus chers. Rien ne m’attirait et, tout ce que je voyais me causait une profonde tristesse. De temps à autre ils interrompaient mon silence pour me demander si j’allais bien ; je les en remerciais sans même sortir de l’abîme dans lequel j’étais plongée. Il faisait jour déjà quand nous sommes arrivés à Trofa, chez la personne qui nous accompagnait : là je devais me reposer et recevoir mon Jésus, en attendant de repartir pour Porto. Avant de reprendre le voyage, j’ai été portée dans le jardin de monsieur Sampaio et, soutenue par l’action divine, je me suis approchée de quelques petites fleurs que j’ai cueillies en pensant : « — Le Seigneur, quand Il les a créées, savait déjà qu’aujourd’hui je serais venue les cueillir. » Ensuite j’ai été photographiée à deux endroits différents et, de l’un à l’autre, je me suis déplacée toute seule, ce qui n’était plus jamais arrivé depuis que j’avais pris le lit
[3], de la même façon que plus jamais je ne m’étais retournée dans mon lit sans aide de quelqu’un. Ce fut un miracle divin, car sans lui, je n’aurais pas pu le faire.
Nous avons repris le voyage : mon âme souffrait horriblement. À six kilomètres de Porto, Notre Seigneur a retiré son action divine. J’ai commencé à ressentir les habituelles souffrances physiques qui m’ont tourmentée jusqu’à la fin du voyage. J’ai dit alors, non pas parce que je connaissais la distance, mais parce que mon état me l’a fait dire : « — Nous sommes déjà proches de Porto. » Quelqu’un a répondu : « — Nous arrivons, nous arrivons ! » En effet, j’avais pu voir qu’il ne manquait plus que six kilomètres.
La sortie en voiture vers le cabinet a été douloureuse, autrement dit : martyre pour le corps, agonie pour l’âme; il me semblait que j’allais mourir.
Avant d’entrer dans la salle des consultations, j’ai dit à celui qui me portait dans ses bras : « — Posez-moi, posez-moi, même si c’est sur le carrelage ! » À ce même moment le médecin est arrivé et il me fit coucher sur un brancard, où je suis restée en attendant la visite. Quelques instants avant que je ne rentre dans le cabinet, Jésus m’a libérée de l’agonie de l’âme, ne me laissant que les souffrances physiques, afin que je puisse mieux résister.
L’examen a été assez long et douloureux. Pendant que je me déshabillais, quelqu’un m’a dit de ne pas m’affliger. Moi, me souvenant ce que l’on avait fait à Jésus, j’ai dit : « — Même Jésus a été déshabillé. » Et je n’ai pensé à rien d’autre. Le docteur Gomes de Araujo, même si un peu brusque, a été prudent et attentionné.
Pendant le retour à la maison, Jésus a exercé sur moi son action divine, afin que je résiste au voyage, mais il m’a laissée de nouveau l’âme angoissée. Arrivés à Ribeirão je suis allée me reposer chez le docteur Azevedo afin d’attendre la nuit et de pouvoir rentrer au village sans que nul ne s’en rende compte.
Que ce soit dans l’une comme dans l’autre maison, j’ai été traitée avec beaucoup d’attentions, mais nul ne parvenait à me réconforter, alors même que je souriais pour cacher le plus possible ma douleur. Il faisait déjà nuit quand nous avons repris le voyage. Tout m’invitait à un silence de plus en plus profond. J’étais indifférente à tout. Pendant le trajet, je n’ai rien vu d’autre que les fleurs du jardin de Famalicão parce que quelqu’un me les avaient signalées. Nous sommes arrivés à la maison à minuit, obtenant ainsi, que personne ne se soit rendu compte de notre absence.
Après ce voyage, mes souffrances physiques ont assez augmenté. Tout ce que je devais souffrir le jour du voyage, Notre Seigneur me l’a gardé pour le lendemain, allant de plus en plus mal. »
[4]

[1] L’un des plus grands neurologues du Portugal.
[2] Monsieur Antonio Sampaio de Trofa.
[3] Sauf pendant les extases de la Passion, où elle n’avait pas besoin d’aide pour accomplir tous les gestes et déplacements.
[4] Autobiographie.

samedi 20 septembre 2008

ALEXANDRINA ET SATAN

La fureur de Satan

Si le monde savait combien sont terribles les pièges du démon ! O combien je souffre de ses assauts ! Si seulement le monde savait ce que c'est que l'enfer, ce que c'est que la perversité et la fureur de Satan, probablement qu'il ne pécherait pas autant ! [1]
Cette nuit il s'est déchaîné contre moi. On dirait qu'il voulait tout détruire. Méchancetés, paroles et gestes inconvenants. Mon corps paraissait déjà anéanti par tant de fatigue...
— Je ne veux pas commettre de péché, mon Jésus. L'enfer plutôt que le plaisir. Ce que je veux, mon Jésus, c'est ne pas perdre un seul instant de consolation et de réparation pour Vous et pour le salut des âmes...
Ces paroles ont suffi à faire enrager davantage le démon...
Toutefois, il est parti quand il a entendu la voix de Jésus qui me disait :
— Si tu pouvais voir, ma fille, combien je suis offensé à cette heure-ci contre la vertu de pureté, tu mourrais d'horreur et de douleur. Mais ta réparation me fait oublier bien des offenses. Cette consolation je ne peux l'avoir que d'une vierge à la pureté angélique !... (...)
— Me voici prête à tout, Seigneur !...
La pureté est la vertu que j’aime le plus et pour la défense de laquelle je souffre davantage : ce, est que par votre grâce et votre miséricorde que je ne vous offense pas gravement... [2]
[Le démon dit un jour à Alexandrina] :
— Donne-toi à moi, comme tu t'es donnée à Dieu ; embrasse-moi avec amour comme tu as embrassé le crucifix. Remarque que moi je ne te fais pas souffrir, moi... et figure-toi que Dieu n'a pas de Ciel à te donner. Jouis avec moi, jouis des plaisirs de ce monde.
Il m’empêchait d'invoquer Jésus. Il se plaçait entre moi et Lui, afin que je ne L'entende pas et de surcroît, il dansait devant moi. Il me donnait ses ordres criminels et, vu que je ne cédais pas, il redoublait de fureur et je sentais comme s'il me tordait et me broyait complètement. Mon corps semblait être brisé par lui. Il ne s'agissait en fait que de sensations, étant donné qu'il ne s'approchait jamais de moi au point de me toucher. Les battements de mon cœur se chevauchaient, battaient la chamade.
Après la lutte, certaines fois, je sens comme une brise qui me rafraîchit et me remet en place tout à fait. Cette nuit il en a été de même. Tombée sur le côté, sur les coussins, et sans pouvoir me relever ni même faire le moindre mouvement, je ne résistais plus dans cette position.
Très triste, je répétais :
— Secourez-moi, secourez-moi, Jésus !
J’ai senti Jésus à côté de moi :
— Ma fille, amour de l’Amour, mon divin souffle suffit pour te relever et même à te remettre à ta place.
J’ai senti le souffle de Jésus et, au même moment, je me suis retrouvée sur les coussins.
Jésus a continué :
— Dis-moi, ma fille, que veux-tu de moi ?
— Votre amour !
— Que veux-tu que je fasse ?
— Votre divine volonté.
Jésus m’a serré doucement contre son divin Cœur et a ajouté :
— Ma volonté est que tu aies du courage dans les souffrances que je te demande et que tu répares de cette façon. Répare, répare, ma vierge pure, vierge remplie d’amour pour moi.
Peu après je me suis endormie pour un léger et bref sommeil.[3]


[1] Alexandrina vécut, mystiquement, les peines des damnés.
[2] Journal du 8 janvier 1945
[3] Journal du 11 janvier 1945

dimanche 14 septembre 2008

SUR LA VIRGINITÉ DE MARIE II

Sur la virginité de Marie
(suite)



Un autre exemple : Au chapitre 29 de la Genèse, verset 15, Laban appelle Jacob son frère : « Alors Laban dit à Jacob : “Parce que tu es mon frère, vas-tu me servir pour rien ? Indique-moi quel doit être ton salaire” ». Par contre, quand lit au chapitre 29, le verset 13, on s’aperçoit qu’en réalité Jacob est le neveu de Laban.
Il est possible de trouver encore bien d’autres exemples qui démontrent cette ambigüité de la langue hébraïque, comme par exemple dans le Lévitique, chapitre 10, verset 4 ; Chroniques, chapitre 23 et verset 22.
Dès lors il nous est plus facile de comprendre et de vraiment le croire, que les soi-disant “frères de Jésus”, ne sont en réalité que ses parents, ses cousins.
Nous n’avons pas encore épuisé toutes les difficultés sur ce sujet particulier. Il nous en reste encore quelques-unes que nous allons détailler, progressivement, avec l’aide de l’Esprit Saint.
Dans l’Évangile selon saint Luc, au chapitre 2, verset 7, il est dit que Jésus est le “premier-né”, ce qui laisse à penser que Marie aurait eu d’autres enfants : « Elle enfanta son fils premier-né ».
Penser que cette expression signifie que Marie aurait eu d’autres enfants, c’est se mettre dans l’erreur et faire montre d’une certaine méconnaissance des termes hébraïques, comme ci-dessus. En effet, cette expression est un terme juridique de la Bible qui désigne en effet le premier-né, qu’il y ait ou pas d’autres enfants par la suite.
Il faut savoir que la Bible affirme que tout premier-né appartient d’une façon toute particulière au Seigneur (Cf. Ex. 13, 12 et 34, 19) et que celui-ci doit, pendant les premiers mois de sa vie, être soumis à la loi du rachat telle qu’expliquée dans le Livres de Nombres, au chapitre 18, verset 16. Il n’était pas question d’attendre le deuxième enfant pour attribuer à son devancier le titre de premier-né qu’il garderait toute sa vie durant.
Un exemple pourra aider à mieux comprendre cet état de fait :
Tout récemment les archéologues ont fait la découverte d’une sépulture juive datant du premier siècle, dont la pierre tombale portait l’inscription suivante : “Ci-gît Arsinoé, morte en accouchant de son premier-né”. Elle n’en aura pas d’autres, car elle est morte en couches, et pourtant il est bien écrit sur sa tombe qu’elle est morte en mettant au monde son “premier-né”.
Une autre difficulté apparente se trouve en Matthieu 1, 25, où il est dit : « et il ne la connut pas jusqu'au jour où elle enfanta un fils ». Cela pourrait vouloir dire, quand on ne connaît pas les méandres et les nuances de la langue hébraïque, que Marie n’aurait pas connu Joseph avant le mariage, mais qu’Elle l’aurait connu après la naissance de Jésus.
Le manque de connaissance des langues dans lesquelles les évangiles — et une grande partie des autres textes de l’époque — ont été écrits, est une source d’erreur notable. En effet, sans que (jusqu’à ce que) l’on ait une connaissance approfondie de ces langues, la compréhension des textes reste imparfaite.
Sait-on seulement que les Évangiles ont été écrits en grec et araméen. Une vraie et solide connaissance de l’hébreux, du grec et de l’araméen est donc nécessaire pour une interprétation correcte des textes sacrés, voila pourquoi les traductions dignes de foi sont rares.
L’expression “jusqu’à ce que” est un hébraïsme qui signifie “sans que”. Dès lors cela veut dire que Marie enfanta “sans que” Joseph l’ait connue et que par conséquent Jésus n’est pas le fils de Joseph, mais le Fils de Dieu.
Voyons un exemple dans le Livre des Psaumes : « Son cœur est inébranlable, il ne craint pas, jusqu'à ce qu'il voie ses ennemis abattus ». Remplaçons ici l’hébraïsme “jusqu’à ce que” par “sans que”, et nous aurons compris la nuance importante : « Son cœur est inébranlable, il ne craint pas, “sans qu”’il voie ses ennemis abattus ».
Ceci signifie que s’il n’a pas craint avant, il ne craindra pas non plus après. Et, revenant à saint Matthieu et à son hébraïsme, nous pourrions corriger en disant qu’« il ne la connut pas “sans qu’elle” ait enfanté un fils » ; autrement dit, il ne la connut ni avant ni après la naissance de Jésus.
Afin que tout doute sur ce que nous venons d’affirmer puisse être levé, nous vous invitons à vérifier vous-mêmes d’autres exemples typiques de ces hébraïsmes si fréquents dans les Évangiles.
Deutéronome 7, 24 ; Sagesse, 10, 14 ; Psaume 56 (57), 2 ; Isaïe 22, 14 et encore saint Matthieu 5, 18.
Quand nous avons vérifié toutes ces preuves qui toutes confirment la virginité de notre Mère du Ciel, il nous paraît invraisemblable que de nos jours il y ait encore des croyants ― et même des catholiques ― qui doutent de cette prérogative de Marie.
Nous ne pensons pas qu’il s’agisse de mauvaise foi ― la charité chrétienne nous interdit tout jugement téméraire ― mais tout simplement d’un manque de connaissances bibliques et même linguistiques. En tout cas, pour ce qui nous concerne, nous sommes absolument certains que Marie n’est pas “une femme comme les autres”, mais bien la Mère de Jésus, la Mère de Dieu et notre Mère.
Ne soyons pas, ni les uns ni les autres de pauvres aveugles obstinés, car il est bien vrai que les pires aveugles ce sont ceux qui ne veulent pas voir.
Cette vérité que l’Église catholique défend depuis des siècles, n’est pas une “invention” des prêtres “dévots” ou des Papes “mystiques”, mais une vérité qui implique la Sagesse et la Miséricorde divines dont l’Amour n’a d’égale que la Trinité Elle-même.
Méditons et gardons comme devise perpétuelle cette exclamation de saint Irénée de Lyon ― qui fut disciple de saint Polycarpe, lequel avait connu l’apôtre Jean ― : « Qui donc, à une quelconque période, a osé prononcer le nom de Marie sans y adjoindre le qualificatif de Vierge ? » (Adv. Haeres.)
Pour conclure notre humble travail, nous rappellerons donc que “Joseph, le Charpentier” n’a pas connu Marie ni avant ni après la naissance de son “premier-né” ; que Jésus seul est Fils de Marie ; que Jacques, Joset, Jude et Simon ne sont pas les “frères du Seigneur” mais ses cousins ou parents.
« L'argument décisif de la virginité perpétuelle de Marie ― nous dit un ami très cher et prêtre de surcroît ―, c'est Jésus qui nous le donne quand il dit sur la croix : “Femme, voici ton fils”. En effet, si Jésus avait d'autres “frères”, Il ne confierait pas Marie à Jean, ni Jean n'aurait “pris Marie chez lui”, car les frères de Jésus s'en seraient normalement chargés ».
Notre souhait le plus sincère c’est que ces quelques lignes puissent aider ceux qui auraient encore des doutes sur cette partie difficile des Saintes Écritures, et rendent à Marie l’honneur qui lui est dû.


Alphonse Rocha

mardi 9 septembre 2008

SUR LA VIRGINITÉ DE MARIE I

PREMIERE PARTIE


Comment expliquer un mystère ?

Il n’est pas toujours facile d’argumenter sur les difficultés que nous rencontrons dans la Bible en général et, plus particulièrement dans les livres du Nouveau Testament ; parmi ces difficultés il y a celle de la virginité perpétuelle de Marie après avoir enfanté Jésus, notre Sauveur, “Dieu avec nous”.
La démarche que nous allons entreprendre est donc périlleuse, mais nous comptons sur la bonté de l’Esprit Saint et sur ses divines lumières.
Certains affirment, à qui veut les entendre que “Marie est une femme comme les autres” et qu’après avoir mis au monde le Seigneur Jésus, Elle eut d’autres enfants.
C’est aller vite en besogne, si nous pouvons nous exprimer ainsi, ou méconnaître la Bible elle-même.
Voyons un peu ce que nous pouvons en dire :
Au chapitre 7, verset 14, du Livre d’Isaïe, le prophète dit, sous l’inspiration divine : « Voici qu’une Vierge concevra, et enfantera un fils, et on lui donnera le nom d'Emmanuel. »
Le prophète désigne cet événement — “Une vierge concevra et enfantera” — comme un prodigieux signe de Dieu. Ne serait-ce pas le signe du temps si désiré de la Rédemption, le signe de la venue du Sauveur, l’Emmanuel, Dieu avec nous ? Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement ? En effet, cet événement n’aurait aucun intérêt, ne serait pas un “signe” merveilleux si la vierge en question, après avoir accouché, cessait d’être vierge. C’est une évidence !
Nous devons donc admettre que le grand signe serait qu’une Vierge concevrait et enfanterait, tout en restant vierge. Bien : Marie est la Mère de Jésus Sauveur. Dès lors elle est la Vierge annoncée par Isaïe, elle est la Vierge qui a conçu et enfanté tout en restant vierge : « concevra et enfantera », affirme Isaïe.
Le sens de cette prophétie d’Isaïe est confirmé dans l’Évangile de Matthieu au chapitre 1, verset 18 et suivants : « Marie, sa mère, était fiancée à Joseph : or, avant qu'ils eussent mené vie commune, elle se trouva enceinte par le fait de l'Esprit Saint. Joseph, son mari, qui était un homme juste et ne voulait pas la dénoncer publiquement, résolut de la répudier sans bruit. Alors qu'il avait formé ce dessein, voici que l'Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : “Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ta femme : car ce qui a été engendré en elle vient de l'Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu l'appelleras du nom de Jésus : car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.” Or tout ceci advint pour que s'accomplît cet oracle prophétique du Seigneur : Voici que la vierge concevra et enfantera un fils, et on l'appellera du nom d'Emmanuel, ce qui se traduit : “Dieu avec nous.” »
Voici donc que la prophétie d’Isaïe commençait à se réaliser : un grand signe annonçait l’arrivée du Sauveur : la Vierge conçut et enfanta par le fait de l'Esprit Saint, et tout en restant vierge ; “et le nom de la Vierge était Marie”.
Dans une délicate description, saint Luc nous persuade que Marie conserva l’intégrité virginale lors de la naissance de Jésus. Regardons au chapitre 2 de son Évangile, versets 6 et 7 : « Or il advint, comme ils étaient là (à Bethléem), que les jours furent accomplis où elle devait enfanter. Elle enfanta son fils premier-né, l'enveloppa de langes et le coucha dans une crèche, parce qu'ils manquaient de place dans la salle. »
Il faut remarquer ici que Marie n’étant pas soumise au péché, par une grâce spéciale de Dieu, ne fut pas non plus soumise aux douleurs de l’enfantement, comme toutes les autres femmes et ce fut donc elle-même qui prodigua les premières caresses et s’occupa d’emmailloter le nouveau-né, “son fils premier-né”. Il est certain que saint Luc n’aurait pas expliqué la naissance de Jésus comme il l’a fait si Marie avait donné le jour à son Fils, comme toutes les autres mamans.
Pour fonder notre affirmation, nous allons nous souvenir d’une objection faite par Marie Elle-même à l’ange Gabriel quand celui-ci lui annonça qu’elle serait la Mère du Sauveur : « “Comment cela sera-t-il, puisque je ne connais pas d'homme?” (Lc. 1, 34)
Or, il nous faut convenir qu’en cette période de sa vie, Marie, « était fiancée à Joseph ». L’objection de Marie à l’ange Gabriel n’aurait donc pas de sens si Celle-ci, par un acte d’offrande totale à Dieu ne s’était ainsi consacrée à Lui par un acte volontaire de virginité perpétuelle et si celui-ci n’avait été accepté par Joseph lui-même. Sinon l’Ange aurait dit : “Tu n’as pas connu d’homme jusqu’ici, mais tu en connaîtras un par la suite”. En effet, quel sens pouvait avoir l’objection de Marie si elle avait eu l’intention de mener avec son Fiancé une vie normale de couple ?
Cela n’aurait pas de sens, avouons-le.
N’est-il pas également légitime de penser que le Fils unique de Dieu soit aussi le Fils unique de Marie ?
Voici une affirmation qui nous mène tout droit vers une autre objection courante : les frères de Jésus, dont les Évangiles parlent, à savoir : Jacques, Joset, Judas et Simon.
En effet, dans l’Évangile selon saint Marc, au chapitre 6, verset 3, nous lisons : « Celui-là n'est-il pas le Charpentier, le fils de Marie, le frère de Jacques, de Joset, de Jude et de Simon? »
La Bible doit être lue avec une grande attention et beaucoup d’humilité, sans arrière pensée, car en la lisant attentivement, nous constatons que trois de ces “frères” de Jésus ont des parents que les Évangiles nomment et ces parents ne sont ni Joseph ni Marie, la Mère de Jésus.
Comment cela ?
Simple et clair. Commençons par Jacques. Dans son épître aux Galates, chapitre 1, verset 19, saint Paul écrit : « Je n'ai pas vu d'autre apôtre, mais seulement Jacques, le frère du Seigneur ». Or ce Jacques dont il parle, c’est Jacques le Mineur, dont la mère est une des femmes appelée Marie, qui était au Calvaire lors de la mort de Jésus et dont saint Marc fait mention au chapitre 15, verset 40 : « Il y avait aussi des femmes qui regardaient à distance, entre autres Marie de Magdala, Marie mère de Jacques le petit et de Joset ».
On sait que le père de Jacques le Mineur s’appelait Alphée, car saint Mathieu l’affirme au chapitre 10, verset 3 de son Évangile. Donc Jacques le mineur a un père et une mère, mais ceux-ci ne sont ni Marie ni Joseph. Autrement dit : Jacques n’est pas le frère de Jésus. Par contre, il est certain qu’il est le frère de Joset et que tous deux sont fils d’une femme appelée Marie qui se trouvait au Calvaire avec Jésus et d’un homme appelé Alphée, selon la citation rapportée ci-dessus. Cela nous mène également à affirmer que Joset n’est pas non plus frère de Jésus.
Un autre doute s’évanouit quand nous lisons l’épitre de Jude. Il commence ainsi sa Lettre : « Jude, serviteur de Jésus Christ, frère de Jacques ». Donc son père est aussi Alphée. Il ne peut pas être, par conséquent frère de Jésus.
Il nous reste encore un problème à résoudre en ci qui concerne les “frères de Jésus”, celui de Simon.
Les Évangiles, il est vrai, ne rapportent pas les noms des parents de Simon, mais on peut légitimement penser que si les trois autres ne sont pas “frères de Jésus”, il n’y a aucune raison pour que Simon le soit.
Un historien du IIe siècle, Hégésippe, nous informe que Simon était fils de Cléophas, époux de Marie, celle dont saint Jean, dans son Évangile (19, 25) affirme être “sœur de la Mère de Jésus”. Donc cela voudrait dire que Simon était cousin de Jésus et en aucun cas son “frère”.
Tous ces arguments nous mènent à une conclusion qui nous semble logique : aucun de ces hommes n’était fils de Marie, la Mère de Jésus, d’autant plus que dans les Évangiles un seul est appelé fils de Marie : Jésus, comme il est rapporté dans l’Évangile de saint Marc au chapitre 6, verset 3 : « Celui-là n'est-il pas le charpentier, le fils de Marie ? »
Au contraire de ce que l’on pourrait penser, les Évangiles et les Lettres ne nous induisent pas en erreur, c’est nous qui par méconnaissance des langues d’alors et mal informés, nous laissons ainsi berner, quelquefois.
Voyons un peu…
Le terme “frère” (ah, en hébreux ; adelphós, en grec) désigne dans le langage des hébreux non seulement les enfants du même père ou de la même mère (comme Caim et Abel, Ésaü et Jacob, saint Jacques le Majeur et saint Jean l’évangéliste), mais aussi un familier ou parent proche, comme par exemple oncles, et neveux, car l’hébreux ne possède pas des termes propres pour désigner ces degrés de parenté. La Bible est remplie d’exemples de l’emploi du mot “frère”, compris dans ce deuxième sens. Voici, par exemple, dans la Genèse, au chapitre 13, verset 8 : Abraham appelle Lot son frère : « Aussi Abram dit-il à Lot : “Qu'il n'y ait pas discorde entre moi et toi, entre mes pâtres et les tiens, car nous sommes des frères!” » Mais, nous savons, toujours d’après la Genèse (11, 28 et 12, 5) que Lot n’est pas frère d’Abraham, mais son neveu.


Alphonse Rocha

(A suivre)