samedi 28 juillet 2007

DONNE-MOI TES MAINS

Invitation à la Passion
Le Seigneur avait voulu avoir besoin d’Alexandrina pour l’aider dans le mystère insondable de la Rédemption. Pour cela, il la prépara soigneusement, choisissant Lui-même les fleurs qu’il voulait planter dans ce jardin vierge après avoir, tel un jardinier consciencieux, préparé le terrain, éliminant toutes les mauvaises herbes.
Il lui traça la route à suivre par les paroles entendues en 1932 ou 1933 : souffrir, aimer, réparer ; Il lui choisit ensuite un Directeur spirituel selon son Cœur ; puis l’“anoblit” de quelques charismes, avant de lui parler clairement et de lui faire une première demande toute conforme aux trois mots ci-dessus. Il lui dit un jour : “Donne-moi tes mains, je veux les clouer avec les miennes”.
Le ton était donné et la mission était ainsi précisée : souffrir la Passion du Maître dans sa chair. Cela se vérifiera jusqu’en 1942, de façon visible, puis, de cette année-là et jusqu’à la mort d’Alexandrina, de façon intérieure, tous les vendredis, et même en d’autres jours de la semaine.
A cause de sa maladie, Alexandrina ne pouvait pas écrire, ou alors quelques lignes : cela la faisait trop souffrir, mais “devait tout dire à son directeur spirituel” les paroles qu’elle venait d’entendre, l’invitation à la Passion qui lui était faite par Jésus.
Comment faire alors ?
C’est presque surréaliste ce qui se passe ensuite, car sa sœur Deolinda qui, pour l’aider et lui éviter le sacrifice d’écrire, écrivait sous sa dictée, n’était pas encore au courant de la teneur particulière des faits mystiques dont bénéficiait maintenant sa sœur et, Alexandrina hésitait à les lui communiquer, comme elle l’avoue elle-même :
“Je ne voulais rien dire à ma sœur, mais je ne voulais pas non plus le taire… je devais tout dire à mon directeur spirituel…”
Elle finit par vaincre cette timidité et se lança dans sa dictée… “Nous l’avons fait sans échanger le moindre regard”, avoue-t-elle, gênée.
Puis, elle nous fait partager quelques-unes de ses expériences mystiques, de ses visions… et son désir du Ciel.

* * * * *

« Ce fut en septembre 1934 que j’ai compris que c’était la voix de Notre Seigneur et non pas une exigence, comme je le pensais. Ce fut alors qu’il m’a parlé et demandé :
— Donne-moi tes mains : je veux les clouer avec les miennes ; donne-moi tes pieds : je veux les clouer avec les miens ; donne-moi ta tête : je veux la couronner d’épines, comme ils me l’ont fait à moi ; donne-moi ton cœur : je veux le transpercer avec la lance, comme ils ont transpercé le mien ; consacre-moi tout ton corps ; offre-toi toute à moi ; je veux te posséder entièrement.
Il m’a demandé ceci deux fois
[1].
Je ne sais pas expliquer mon tourment, parce que je ne peux pas écrire[2]. Je ne voulais rien dire à ma sœur, mais je ne voulais pas non plus le taire, car j’ai compris que je ne devais pas le faire, taire la parole de Dieu : je devais tout dire à mon directeur spirituel [3]. Je me suis décidée à faire le sacrifice et j’ai demandé à ma sœur d’écrire tout ce que je lui dicterais. Nous l’avons fait sans échanger le moindre regard. La lettre étant écrite, tout cela est resté entre nous et nous n’en avons plus parlé.
Si jusque là toutes les lettres de mon directeur spirituel me rendaient joyeuse, à partir de ce moment, je n’en éprouvais plus la moindre consolation : je vivais dans la crainte qu’il me désapprouve et me dise que tout cela n’était qu’illusion. J’avais cédé à l’invitation du Seigneur, mais je pensais que les sacrifices qu’Il me demandait n’étaient que ceux résultant de ma maladie, même si majorés; il ne m’était pas venu à l’esprit qu’Il me ferait passer par des phénomènes singuliers. Le directeur m’a exigé de tout écrire et, pendant deux ans et demi il ne m’a jamais dit qu’il s’agissait bien de choses de Dieu. Ce silence m’a fait beaucoup souffrir[4].
À cette époque Jésus m'apparaissait, et me parlait souvent. La consolation spirituelle était grande et les souffrances plus faciles à supporter. En toute chose je sentais de l'amour pour mon Jésus et je sentais qu'Il m'aimait, étant donné que je recevais abondance de tendresses. Je cherchais le silence. O comme je me sentais bien dans le recueillement et bien unie à Lui !... Jésus se confiait à moi. Il me disait des choses tristes, mais le réconfort et l'amour qu'Il me procurait, rendaient plus douces ses lamentations. Je passais des nuits et des nuits sans dormir, à converser avec Lui, dans la contemplation de ce qu'Il me montrait[5].
Une certaine fois j'ai vu Jésus tel un jardinier qui soigne ses fleurs, les arrosant, etc.[6] Il se promenait au milieu de celles-ci, m'en montrait les variétés. D'autres fois il m'apparaissait pour me montrer les rayons éblouissants de son Cœur.
Une fois j'ai vu la Petite-Maman avec l’Enfant Jésus dans ses bras et une autre fois je l'ai vue en Immaculée Conception [7]: O combien Elle était belle !... Comme j'aimerais n'aimer qu'Elle et Jésus !... Je ne serais vraiment bien qu'en leur compagnie. »[8]
___
[1] Le 6 et le 8 septembre. Comme il en ressort des lettres envoyées au Père Mariano Pinho, son Directeur spirituel.
[2] Dans une lettre du 7 avril 1934, au Père Mariano Pinho, elle explique: “... il m’est impossible de tenir la plume, même pour à peine quelques instants... On ne mas jamais gratté les os, mais j’ai l’impression que cela doit produire le même effet...”
[3] Après ceci, le Père Mariano Pinho recommanda à Deolinda d’observer tout ce qui arriverait, d’en prendre note afin de l’informer et aussi de servir de secrétaire à Alexandrina, pour tout ce que celle-ci aurait besoin d’écrire.
[4] Journal spirituel.
[5] Il faut remarquer l’importance de cette dernière phrase. En effet, Alexandrina avait une connaissance très approfondie des choses de Dieu, au dire de certains théologiens qui l’ont fréquentée et qui ont témoigné: « Je n’ai jamais entendu un tel discours »; « Je ne saurais jamais parler de la sorte du mystère de la Sainte Trinité »; « Elle, toute seule, converti davantage de pécheurs que cent prêtres... », etc.
[6] Voir, dans le « Cantique Spirituel » de saint Jean de la Croix, strophe 17,18 la signification mystique des fleurs.
[7] L’Immaculée Conception a été couronnée, par le Roi Jean IV, Reine du Portugal, vers 1642. Depuis, plus aucun roi ou reine du Portugal n’a porté de couronne. En outre, la presque totalité des églises portugaises possèdent une statue de la Vierge Immaculée, aux pieds de laquelle sont sculptées les armes du pays.
[8] Autobiographie.

lundi 23 juillet 2007

DIRECTEUR SPIRITUEL

Un saint prêtre

En 1933 Alexandrina a 19 ans et elle vit déjà une intense vie spirituelle, où les “touches” divines sont déjà fréquentes, comme elle-même l’explique dans son Autobiographie, mais elle n’avais toujours pas de Directeur spirituel. Le Seigneur qui est “riche en Miséricorde”, va y pourvoir d’une façon particulière.
Alexandrina “ignorait ce que c’était qu’un directeur spirituel”, ne sachant même pas qu’il est préférable d’en avoir un particulièrement lorsqu’on est dépositaire de charismes particuliers. Mais, Alexandrina ignorait aussi qu’elle avait en elle, gratuitement offerts par Dieu, ces dons exceptionnels qui allaient faire d’elle une “Doctoresse en sciences divines”.
Le Seigneur qui dans son amour envers nous, cherche toujours des moyens efficaces pour nous faire retourner à Lui, a voulu avoir besoin de cette jeune fille pure et sage qui ne laissait jamais terminer l’huile de sa lampe, qui n’était donc pas une “vierge folle”. Pour ce faire, Il lui choisit un Directeur spirituel, sage lui aussi, capable de la guider, de la soutenir, de lui tenir la main dans les moments difficiles, de l’aider à monter le dur chemin de la vie spirituelle, souvent parsemé d’embuches, semées par le “singe de Dieu”.
Ce Cyrénéen choisi par le Seigneur sera le père Mariano Pinho, jésuite, âme d’une grande humilité, excellent directeur d’âmes, bon théologien et grand prédicateur.
Il viendra à Balasar, le 16 août 1933, prêcher un triduum en l’honneur du Sacré Cœur de Jésus et leur rencontre se fera à ce moment-là, comme Alexandrina le raconte ci-après.

* * * * *

« J’ignorais ce que c’était qu’un directeur spirituel : c’était Monsieur le Curé qui guidait mon âme[1].
Ma sœur, lors d’une retraite des “Filles de Marie” [2] a demandé au prédicateur, le Père Mariano Pinho,[3] de devenir son directeur spirituel. Celui-ci mis au courant de mon existence et de ma maladie, a sollicité mes prières, avec la promesse de réciprocité. De temps à autre il m’envoyait une image pieuse.
Deux ans plus tard, ayant appris qu’il était malade, mon émotion est allée jusqu’aux larmes; je ne sais pas pourquoi. Ma sœur, étonnée, m’a demandé pourquoi je pleurais alors même que je ne le connaissais pas. Je lui ai répondu :
— Je pleure parce qu’il est mon ami et que je le suis aussi de lui.
Le 16 août 1933, le Père Pinho est venu dans notre paroisse prêcher un triduum en l’honneur du Sacré-Cœur de Jésus et, à cette occasion je l’ai obtenu comme directeur spirituel. Je ne lui ai pas parlé de mon offrande pour les Tabernacles, de la chaleur que j’éprouvais, de la force qui me soulevait,[4] ni des paroles que j’interprétais comme de simples inspirations [5] de Jésus. Ce ne fut que quelques mois plus tard que j’ai mis le Père au courant des paroles de Jésus. Je n’ai rien dit d’autre, parce que je ne comprenais rien aux choses du Seigneur. Le Père ne m’a pas confirmé s’il s’agissait bien de paroles de Dieu; toutefois, je continuais à vivre très unie au Seigneur: jour et nuit, les Tabernacles étaient ma demeure préférée.
(…)
Ce fut seulement au mois d’août 1934 que je me suis décidée à ouvrir mon cœur à mon Père spirituel, venu à Balasar pour une série de sermons. J’ai eu peur, alors, qu’une fois au courant de ma vie, il ne veuille plus continuer de me diriger.
Alors même que je me débattais avec ce doute, Jésus m’a dit :
— Obéis en tout : ce n’est pas toi qui l’as choisi, mais moi qui te l’ai envoyé.
Quand le Père m’a demandé de quelle façon j’avais entendu lesdites paroles, il ne m’a pas expliqué si elles étaient ou non de Jésus.
Quelques jours plus tard, ma sœur, ayant remarqué que je consacrais beaucoup de temps à la prière, m’en a demandé l’explication. Je lui ai dit comment j’occupais mon temps et ce que je ressentais, ajoutant que c’était sûrement la foi et la ferveur avec laquelle je récitais mes prières qui m’absorbaient de la sorte. Deolinda a semblé d’accord et m’a demandé de lui dire tout, afin de pouvoir se remplir de ferveur, elle aussi »[6].

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[1] Alexandrina n’est pas la seule à ignorer ce que c’était qu’un directeur spirituel et sa nécessité. En effet, avant elle, Jean-Jacques Olier, dont la culture et la sainteté sont connues de tous, avoue lui-même, dans ses écrits autobiographiques: “n’ayant point de directeur et n’en connaissant pas, n’en sachant même pas la nécessité”.
Jean-Jacques Olier: “Mémoires authentiques”. Tome I, page 90.
[2] En 1931.
[3] Le Père Mariano Pinho naquit à Porto (Portugal) le 16 janvier 1894. Il est entré à la Compagnie de Jésus à Alsemberg, en Belgique, le 7 décembre 1910. Les Jésuites avaient, en effet, été expulsés du Portugal, lors de l’avènement de la République, le 5 octobre de la même année 1910. Après son cours de philosophie — à Ona (Espagne), il partit en Autriche, à Innsbruck, où il fit sa théologie. Entre ces deux matières, il fit un séjour au Brésil où il fut professeur au Collège Antonio Vieira. C’est dans ce pays « frère » qu’il fut ordonné prêtre le 7 février 1926. Revenu au Portugal, il fut le directeur du « Messager du Sacré-Cœur ».
Il jouissait d’une grande renommée en tant que prédicateur, raison pour laquelle il prêchât dans les plus importantes églises du Pays. Il a écrit aussi de nombreux ouvrages et avait un penchant pour la musique. Il composait avec une certaine facilité : il avait une âme d’artiste.
Il devint, en 1933, directeur spirituel d’Alexandrina Maria, charge qu’il occupa jusqu’en 1942, de façon régulière. Victime de calomnies et de l’opposition de certains de ses collègues, il dut abandonner la direction de la Servante de Dieu et fût exilé au Brésil, où il rendit sa belle âme à Dieu le 11 juillet 1963, deux avant que ne commence le procès diocésain de béatification de sa dirigée.
Le Cardinal Patriarche de Lisbonne, Manuel Gonçalves Cerejeira, disait de lui: « Le Père Mariano Pinho fut un saint malgré sa charité ingénue... »
[4] Il lui arrivait aussi de subir la lévitation.
[5] Il ne s’agissait pas d’inspirations, mais de vraies locutions intérieures. Deolinda confirma les lévitations de sa sœur.
[6] Autobiographie.

dimanche 22 juillet 2007

LES GRANDS SACREMENTS

Introduction

Dans la vie d’Alexandrina, il y a deux dates très importantes sur le point de vue spirituel : sa première Communion et sa Confirmation.
De sa première Communion, elle parle, dans son Autobiographie, avec beaucoup de nostalgie. En effet, sa première rencontre avec “la sainte Hostie” restera pour elle un moment de joie indicible, un moment à jamais gravé dans son cœur si jeune et plein d’amour.
Elle se souvient avec tendresse de l’abbé Alvaro de Matos qui l’a “examinée sur le catéchisme, qui l’a confessée et lui a donné la Communion”. Elle n’avait alors que 7 ans.
“J’ai cru alors m’unir à Jésus pour ne plus être séparée de Lui”, affirme-t-elle, en parlant de cet acte religieux qui l’a tant marquée.
Elle nous parle ensuite de la Confirmation, ce Sacrement qui imprime en nous le caractère et les dons de l’Esprit Saint.
Cela s’est passé non loin de là où elle fit sa première Communion, à Vila do Conde, une toute petite ville située en bord de mer.
A cette époque-là, la répression gouvernementale [1] contre les évêques portugais qui n’acceptaient pas les lois iniques votés par la nouvelle république et qui tendaient à assujettir l’Église à l’état était à son comble. Le “saint” et courageux évêque de Porto, Mgr António Barroso [2] — dont la cause de béatification et canonisation est engagée — avait été exilé et remplacé par Mgr António Barbosa Leão. Ce fut ce dernier qui imposa ses mains sur la frêle enfant de Balasar, qui en gardera un souvenir impérissable, comme elle-même le dit : “on dirait une grâce surnaturelle qui me transformait et qui m’unissait plus profondément à Notre-Seigneur”.

* * * * *

Première Communion
« À Póvoa de Varzim j’ai fait ma première communion. Le Père Alvaro Matos m’a examinée sur le catéchisme, m’a confessée et m’a donné la Communion pour la première fois. J’avais alors 7 ans. Comme prix j’ai reçu un beau chapelet et une image pieuse. J’ai communié à genoux et, malgré ma petite taille, j’ai pu fixer la sainte Hostie avec une telle ardeur qu’elle s’est imprimée en mon âme. J’ai cru alors m’unir à Jésus pour ne plus être séparée de Lui. Il a pris possession de mon cœur, ce me semble. La joie que je ressentais était inexprimable. À tous j’annonçais la bonne nouvelle. Ma maîtresse, désormais, me menait chaque jour à la communion. »
La Confirmation
« Ce fut à Vila do Conde[3], que j’ai reçu, des mains de Son Excellence l’Évêque de Porto[4], le sacrement de Confirmation. Je me souviens, très bien, de cette cérémonie et de la joie qu’elle m’a procurée. Au moment où je recevais ce sacrement, je ne sais pas bien expliquer ce que j’ai ressenti : on dirait une grâce surnaturelle qui me transformait et qui m’unissait plus profondément à Notre-Seigneur. Je voudrais bien expliquer tout cela, mais je ne le sais pas[5]. »

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[1] Le témoignage le plus intéressant de cette époque, est celui du ministre Afonso Costa — membre du Gouvernement, et de triste mémoire — qui, devant le Parlement, le 23 juillet 1911, exprime très clairement ce sentiment antireligieux d’alors : “Monsieur le Président, à cause de leurs protestations , nous aurions pu engager les évêques dans une procédure de rébellion, contre laquelle il n’y aurait pas eut de témoin”. » Pour être clair, c’est clair !...
[2] VOIR : http://alexandrina.balasar.free.fr/antonio_barroso_fr.htm
[3] Petite ville balnéaire, à 3 kilomètres de Póvoa de Varzim.
[4] Monseigneur Antonio Barbosa Leão, duquel Alexandrina conserva une photo jusqu’à sa mort, en souvenir de sa Confirmation.
[5] Autobiographie.